Tu n’auras que la vie (da Gli Scomparsi – storie da Chi l’ha visto – pordenonelegge, 2016)
traduction par Jean-Charles Vegliante Les chaussures ne furent pas retrouvées. Romaine née à Milan (1964), poète et performer, animatrice radio, rédactrice du mensuel "Poesia", Maria Grazia Calandrone s'occupe aussi de critique littéraire (en particulier pour "il manifesto"). Interventions, lectures théâtrales et manifestations poétiques fréquentes. Elle a publié plusieurs recueils (La scimmia randagia, Milan, Crocetti, 2003, prix Pasolini Opera Prima), jusqu'à Serie fossile (id. 2015 – prix Marazza) ou La vita chiara (transeuropa, 2011), et participe à des performances publiques. L'infinito mélo, pseudo-roman, a récemment inauguré une collection de l'éditeur Sossella avec CD de ses propres textes.
je ne suis que le blanc de la bête
et la splendeur de son œil noir, rond, doux je suis la mansuétude de l’univers roulant sur elle-même comme l’œil dans l’orbite de l’ animal, idole endormie qui là, sur le seuil de l’abysse, échappe la première larme de joie. il a fallu des millénaires pour cette unique larme, devant laquelle s’incline, comme s’incline un champ de fleurs battu par un vent sidéral, cet humain pluriel, couronné de soleil et fait de la même pâte que la bête, cette misère qui désire être caressée par la miséricorde de ton regard traduction par Clément Lévy et Giuseppe Girimonti Greco traduzione a cura del gruppo di ricerca CIRCE dell'Università Paris 3
L'ultima stanza - La dernière pièce Avec le temps la complexité de la maison s’accroît – c’est un filtre alchimique, un décanteur d’eaux industrielles mélangées à des métaux solaires – qui dépose l’or du monde par les fenêtres dans nos cheveux. Assis, nous sommes inclus dans la recréation étant donné une marge concrète de manœuvre dans les espaces communs. Nous tombons goutte à goutte du bec des alambics directement sur les objets au niveau du sol, la voix lointaine. Nous apprenons à reconnaître la mèche effilée, la plainte de l’animal dans le distique prolongé des colporteurs. Par l’ouïe nous jetons hors du corps (fermé et très noir) de rayonnantes racines. Maintenant les portes sont ouvertes : rêves du dimanche. Le peuple fait communiquer ciel et terre avec ses propres besoins. Mais nous ne savons pas dans notre maison – étant donné la délicatesse et l’abondance des organes, quelle est sa finesse. Corps-diaphragme en majeure partie De la végétation affleure le corps des pommiers – avec leurs médaillons d’or. Bannières de calme plat dans le blanc de la machine adriatique – déboussolée par la tempête immobile des estacades, sanctuaires tangants de bois et de rebuts ferroviaires sur plusieurs mètres de mer. Les hommes de la montagne dominent l'Inquiet de leurs plateformes – ils prolongent dans le deuil des eaux la terre, sa verdeur de meule sylvestre – et le soleil règne plus grand que la peur. Les manches retroussées, les pieds nus - de la côte ils prononcent les Nombres donnés par les étrangers qui cultivent l’ange des rêves – cœurs pleins de larves et de pissenlits – arrachés à la beauté boréale. Ah, si nous étions ! forêts de mâts dans la brume – voici le Souverain Ensemble sur les taches du Neutre de tous les jours – le pollen dispersé par le vase des siècles, où la somme des tempêtes est égale au froncement inconstant d’un sourcil. Mettez donc ma santé à côté de celle de notre frère avec des projections de neige polluante sur les pins qui ont des ombrelles de méduses terrestres pour que rien ne manque, pas même des roses hématiques et des rouleaux de parchemin dans les mains – ou discours sur le climat et le sol et sur les passerelles rongées, qui changent la mer en terre – frêles – comme toi mon amour, qui sillonnes le large de tes sabots de pierre et manifestes une originelle collision. ***
OPUS 9/11: LA CÉCITÉ AMOUREUSE
I. Exorde Merci pour les arbres et les fleurs rouges et pour toute cette herbe qui de nuit semble marcher vers un point de profondeur sous les piliers que soutiennent les ponts avec des fleurs et des étoiles. Merci pour les colonnes et pour le soleil immobilisé dans les brouettes, merci pour les corps défrichés des circonstances anthropologiques et pour ce vide de sens dans les cheveux trempés des enfants. Ensemble durant les saisons les corps disparaissent comme les arbres vaincus par une tristesse empoisonnée et le soleil – opus incertum – s'est cassé, immobilisé sur la marchandise qui glissait toute seule vers la fin de la marchandise. Deux calames comme des poignards vont tomber très vite du ciel et vont frapper au sommet l'œuvre à pic sur les mines d'or. Accompagnés l'affaissement vertical des deux cent mille tonnes d'acier certifié, cinq cent cinquante deux mille et cinq cents mètres cubes de béton, et du plomb coulera mélangé au sang des sauveteurs sous le point d'impact et les tonnes d'amiante qui enveloppent les poutres seront libérées dans l'atmosphère : les sauveteurs verront poursuivis par une bête composée de dioxyde et de ce qui restera d'humain mélangé aux ruines parce que de là haut ils auront lancé des projectiles des corps fondus aux décombres des titans dans leur chute libre, comme l'expliquait Galilée. II. Prière du voyage Merci pour les bateaux arrêtés dans la grande et très belle journée avec les ponts abaissés et les cabines pénétrées de lumière. Ils diront que dans la fumée se formaient des visages
étrangers. Ils accuseront les innocents les attacheront dans leurs maisons avec les armes. Tu insères la langue dans le fermoir et demande la grâce du martyre. Merci pour l'aube fraîche et sans vent qui précède le commencement et les vols clairs et calmes qui séparent l'après-midi en deux coupes d'argent éphémères. Je n'avais pas d'ennemis, j'étais suspendu, j'étais assis à penser je ne sais endurer l'amour, le cœur se corrompt et se résigne sur la branche et une euphorie m'encercle dans le sang comme les naseaux d'un joyeux ânon qui broute la clairière au milieu de la matinée. Ne crée pas une excessive souffrance à l'animal durant le sacrifice contrôle que la lame soit tranchante. Matinal est mon cœur libéré de l'homme et dominical le brin de paille entre les dents du très haut. Quand ils ont étendu le corps sur l'autel dans l'air il y avait surtout le silence et le mercure de milliers d'ampoules radiations et vanadium plus que dans l'incendie des puits de pétrole et dans la surdité des fours crématoires. Merci pour ce fils de piété qui résiste dans la trine sur son cou à elle. III. ...et tu redeviendras poussière Devant le mur la constellation. À chaque chose tombée correspond une lumière, un espace qui auparavant était occupé. Pense que si tu tombes tu fais la lumière. Voilà les tuyaux et les bobines et aucun reste reconnaissable, ni un gouvernail de queue ni les moteurs Pratt&Whitney en acier et tétane, mousses que soutiennent les feux de kerosène mais le turbo d'un ScottWarrior sans les lames de ventilation et l'odeur de cordite. Le soleil circule sur les fragments comme une persistence de bonheur. Souvenir d'une fille légère comme une feuille qui s'est détachée toute seule de l'arbre caverneux du gratte-ciel comment dire moi pour la dernière fois. Au centre de mes yeux elle battait la lumière et se tordait dans la colossale démolition puis je voyais un homme lâcher sa prise comme un de ces sérieux coups de vent qui stabilisent la radicalisation de l'arbre. Les corps se distinguent des gravats par la vitesse de leur chute et parce qu'à la différence du béton ils s'accumulent sourdement sur l'incompréhensible blancheur de l'asphalte comme masses efficaces et sans angle pendant que le béton devenait poussière – mais le béton comme ce qui n'est pas vivant ne retourne pas à la pousssière. Les chiens ensuite sont morts par dizaines. Seulement 10 secondes pour déposer l'équipement et monter dans le rugissement des gravats. Les coteaux enchemisés de puits de soleil et d'un son de haubois aux étoupes brûlées précédé d'un crépitement continu : des hauts-parleurs la musique de bureaux – aucun horoscope annonçait le désastre – mais l'écho d'une antique prophétie et la rumeur des corps qui tombaient pauvres corps faits de peur primordiale, un geste comme celui d'avoir jeté le pain. IV. Absence remarquée Il était ainsi certain que moi aussi je sus où aller. (témoignage d'un survivant) Soit orgeuilleuse parce que j'ai dépassé le mythe de l'amour, je ne crois plus que le monde finisse pendant que tu permets à un autre de regarder mais je crois que la terre devient moins innocente au pointde décliner ma date de décès comme la donne la lumière d'une étoile – je crois que les coeurs immatures seront transportés avec les autres gravats dans des dépôts transocéaniques – et je crois également su'ils se corrompront l'un par l'autre et produiront un silence inconnu. Le code 10-45 signifie morts, signifie ils ne feignent pas mais je suis frappé dans toutes les extrémités ils sont dans le silence entier que le corps produit une fois seule avant de devenir le bassin pour entreposer des poussières élémentaires et des omissions. Je pense que c'est un péché d'être triste je pense que ça suffit de regarder les marbres derrières lesquels il y a du sang des animaux et le souffle et les souliers chaussés pour le sacrifice je pense que ça suffit de penser à combien de millénaires de chant comme une striure jaune il nous a fallu attendre pour produire la forme de ton crâne et à l'extrème point mettre ton sourire. L'amour était une patine du nouveau soleil Que tu obscurcissais selon ton plaisir et tu tissais un suaire : je n'étais plus le corps parcouru de fleuves mésopotamiens, j'étais pavé des coups de l'abandon les restes d'un minaret inondé du système anti-incendie. Dans les jours qui précédèrent le désastre les chiens furent éloignés parce qu'ils ne flairaient pas les préparatifs de la démolition. De ce qui me reste spire autour de ton coeur comme la fumée corticale qui signifie épuisement de la combustion première : je suis poussière sur ton coeur, blanche bouffée des explosions latérales. V. Exode Souvenir de l'éclair argenté de tes yeux et de l'éclair de l'avion. J'ai les molaires ébréchées par leur grincement durant le sommeil, parce que de l'épicentre de ma bouche chaque nuit remonte la machination : l'incendie qui essaimait dans les tours ne pouvait causer cette éclipse de grilles et de béton, ni déposer sur la place des géants cette judicieuse pyramide de gravats, liserons et achèvements. Ça ne suffit pas le feu à effriter le coeur des géants comme une pure expulsion de déchets, mais de sévères [détonations comme la solitude de ces idoles creuses et foudroyées, des deux signes apaisés – dans le froid intense des algorithmes – de l'Opus Terrestre : le feu ne déplace pas l'aiguille des sismographes ni ne produit tant de violents centigrades liquéfier les puits d'acier où les colonnes au nombre de 47 se greffaient dans la roche nue. Mais le pays a abandonné ceux qui avançaient entre les gravats purs non préparé à secourir les brûlés et les autres dont il manquait une partie du visage pour les minutes très opaques passées dans la prison en flamme des ascenseurs et tous les ayant contaminés dans l'âme d'un nuage que ne peuvent distancer fuyant ils pleurent, ils pleurent alors la nuit comme des enfants. [Extrait de Sulla bocca di tutti, Crocetti, 2010]
PIERO BARBETTA ET ANTONIO BOCCUZZI, LES SURVIVANTS, PARLENT Dans la nuit entre le 5 et le 6 décembre 2007 dans les aciéries de la Thyssen Krupp du Corso Regina Margherita à Turin une bride de la niveleuse est silencieusement sortie de sa voie. Elle a produit du frottement contre la métallerie. L'étincelle produite a incendié l'huile de rebut qui normalement ressue des tôles. Les ouvriers, prévenus par un collègue de l'équipe de nuit de la ligne 5 de recuit, sont sortis en courant de la salle de contrôle, nommée chaire principale, avec l'intention d'éteindre les flammes, mais ils ont trouvé les extincteurs presque vides. Entre temps, les tubes portants de l'huile à haute pression, qui ne résistaient pas à la chaleur brûlante, ont explosé. Ils ont provoqué des énormes vagues de feu qui ont tué 7 des 9 ouvriers présents. Les ondesdu feu dérivent de la combustion instantanée de l'huile nébulisée : l'air même était feu et ils tombaient des outillages en équipements des chariots-pont, des corps tombaient comme amandes amères, corps-éponges d'acide cyanhydrique qui était absorbé par la peau : chacun de mes camarades endossait un suaire de sang brûlé, mètres carrés de chair criarde, crevasses de charbon dans la musculature du thorax et la blouse de l'éloignement entier les voilaient : mes camarades, une fois enveloppés dans la gousse de feu – dans le caverneux raclement du feu –devenaient choses brûlées et identiques, surhumains costumes de bois mort. Mes camarades étaient revêtus de la sécheresse du mal. Chacun
hurlait de son écrin de venins. Pendant que j'éteignais ce qui restait de lui, il hurlait Piero comment est ma figure. Jele reconnaissais à sa voix puis j'ai soulevé la couverture qu'on lui avait mis sur la tête et il n'en y avait plus rien de lui sinon sa chair sans défense sinon sa voix, la surhumaine charité de bois. Rome, 23 décembre 2010 UN ARBRE DE FUKUSHIMA PARLE, 11.3.11 Il n'existe personne à accuser. Personne contre la peur de cet incompréhensible mal. Nous sommes tellement exposés. Tellement désarmés. Invisibles comme les radiations. Transatlantiques et avions de guerre
dans l'hypnose noire des vagues. Cette fois c'était la mer. Et c'était la terre. Tout dépasse le seuil de son incandescence. Aucune mère remontée du fond de la mer – nous console. Terre bienveillante et terre terrible qui me soulève. Les barres des réacteurs sont exposées et la cruauté de la mer est exposée, exhumée la puissante amertume de la mère. Noms communs de choses inconnues. Maintenant tu la vois la mort toujours incluse comme un doute dans l'amour terrestre. Maintenant tu vois tout l'abandon. Cheveux noirs comme la montagne et les colonnes de sons à traverser. Tiens la chair en haut comme un grincement de freins. Je suis une chose qui a toujours espéré. Une confiance obtuse dans la bonté des hommes et de la nature. Seul pour cela, seul pour la confiance dans la bonté des hommes et de la nature il est resté dans mon cœur tant amour. Répercussions. Scories. Combustion stable. Mais je serai pour toi le coin du cœur. Le filament noir de carbone. Tu peineras à distinguer les parties molles, de nous ce que l'amour laisse vivant. Ô corps réfractaires comme rayons – corps-denses pelotes de lumière entre les sourires-ancre des fils – la radiation totalement libre des impuretés. Le cœur est un matériel surhumain il nous pousse dans le thorax comme un gâteau de miel. Que l'amour soit cette créature – et qu'il soit ! – la plus féroce du soleil. Traductions par Bruno Cany et Marco Zulian
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TOUTE LA FLORAISON (L'IMMORTEL)
traduzione di Romina De Novellis SUR LA BRANCHE L’amour aussi possède ses broutilles, cette mauvaise herbe des oiseaux plantifs
I La stupeur a fait naître le vol. II Le retour est un vol qui change III Par-delà l’espace, la gratitude des oiseaux. IV Si, venue du fleuve, la présence de l’eau ne cesse pas, c’est qui’il lui est possible d’avancer V De l’herbe nous frappe les épaules. Les enfant en particulier donnent l’apparence VI Les années chauffent la caverne de la voix, regrets (1996) traduzione di Carino Bucciarelli (in “Le Fram” n. 3 autunno-inverno 1999, Belgique, Fonds National des Lettres) de : CINQ MÈRES Le système lymphatique des morts sur les roses |
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